« L’ÉDITEUR NE S’ENTEND PAS TROP BIEN AVEC L’ÉCRIVAIN »

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Valentin Nicolau, le directeur des Éditions Némira, est aussi un dramaturge de valeur. Participant à l’édition de cette année du concours de dramaturgie « Camil Petrescu », organisé par le Ministère de la Culture, il a reçu le premier prix avec la pièce Ca zăpada şi cei doi (Comme la neige et les deux autres), une radiographie inspirée de la société roumaine actuelle. Dans ce qui suit, il nous a présenté la manière dans laquelle il a écrit la pièce, ainsi que sa relation pas trop commode entre sa qualité d’éditeur et celle d’écrivain.

D’une certaine manière, ce succès est une surprise. Depuis quand écrivez-vous du théâtre­­­? Le fait que vous êtes éditeur vous a-t-il rapproché de la littérature ?

L’histoire du théâtre de Valentin Nicolau a commencé il y a à peu près deux ans. J’ai gagné ce concours, mais, n’oubliez pas, j’ai été nominalisé au concours UNITER, la pièce de l’année, cette année, comme d’ailleurs et l’année passée. Mon succès a donc un registre plus large. Ce que je veux pourtant vous dire c’est que j’ai eu besoin d’être confirmé dans ce que je fais et, par conséquent, j’ai fait appel aux mécanismes froids du jugement que représentent les concours. Ensuite,  j’ai toujours craint qu’on ne mélange pas les choses, c’est-à-dire Valentin Nicolau, l’éditeur avec Valentin Nicolau, l’écrivain. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi cette formule du concours quand, sous couvert de l’anonymat, on peut être jugé par une instance compétente.

Quelle sorte de pièce est cette pièce qui a reçu un prix ? Une pièce réaliste, expérimentale ?

La pièce qui a gagné le concours s’intitule Ca zăpada şi cei doi (Comme la neige et les deux autres), une paraphrase, évidemment, du titre du conte de fée. Elle a une histoire spéciale. L’éditeur Valentin Nicolau a rencontré un des écrivains qui publient chez Némira et qui lui a dit qu’il reste encore dix jours pour déposer les manuscrits au concours de dramaturgie « Camil Petrescu ». Recevant cette stimulation, je n’ai plus hésité, je suis rentré chez moi et pendant cinq nuits j’ai écrit la pièce. La sixième nuit, j’ai pris une petite pause afin de m’en détacher. La septième, je l’ai corrigée et ensuite je l’ai envoyée au concours. Et voilà l’épopée. Maintenant, sur la pièce … La théâtre, évidemment, mise sur les thèmes universels de l’humanité, mais dans la société où l’on vit on remarque toute une série d’abcès qu’on ne peut pas ne pas attaquer directement. Les valeurs universelles se retrouvent donc sous l’enveloppe du monde contemporain avec toutes ses particularités. Dans la pièce, il s’agit de trois destins qui se croisent, s’éloignent … D’une certaine manière, la pièce est réaliste. En général, tout ce que j’écris tombe dans le courant du réalisme, par le simple et très profond motif que je considère le réalisme plus fantastique que le fantastique, plus convaincant que la plus osée fiction.

Comment s’accordent-ils l’éditeur et l’écrivain ? Se complètent-ils ou se dérangent-ils réciproquement ? L’éditeur ne crée-t-il pas des avantages à l’écrivain ?

Une chose est claire : je ne veux pas et je ne peux pas me leurrer moi-même. Ce qui est bon est bon, même sans être publié, donc sans me créer tout seul de tels avantages dans ma qualité d’éditeur. J’ai reçu maintenant la confirmation de ma valeur et je suis très content que les éditions Unitext m’ont proposé de publier la pièce qui a reçu un prix avec les deux autres nominalisées par UNITER, réalisant ainsi une suite qui me représente. Donc, ce que je vous disais déjà au début : il est difficile que deux hommes cohabitent dans un seul, c’est-à-dire l’éditeur et l’écrivain. Le jour, on doit être très rigoureux et bien travailler pour la maison d’édition, et le soir, la nuit, on doit avoir de l’inspiration. De là vient l’incompatibilité entre les deux egos. C’est un épuisement nerveux assez grand que, pour l’instant, j’arrive à le supporter. Je ne mentionne plus le fait que parfois les meilleures idées viennent justement quand on est très occupé à la maison d’édition, et alors comment doit-on se débrouiller ? Mais, enfin … (A consigné Dan Stanca, România liberă, du 11 mars 2000)


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