UNE MAISON D’ÉDITION N’EST PAS UNE FABRIQUE DE DÉTERGENTS SPIRITUELS

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Le Directeur des Editions Némira a une … vie secrète. Il est auteur de théâtre. Il est arrivé à l’être sous la pression d’une réalité pas du tout rose et qui nous agresse de toutes parts. Ses pièces ont été remarquées par le monde théâtral roumain recevant deux nominalisations au titre de « La meilleure pièce de l’année » (concours organisé par UNITER en collaboration avec la Fondation « Princesse Margareta de Roumanie ») et le Grand prix au concours « Camil Petrescu », organisé par le Ministère de la Culture.

Valentin Nicolau, vous êtes plus connu comme éditeur que comme dramaturge. Pourquoi écrivez-vous du théâtre­ ?

Le fait que j’écris aujourd’hui du théâtre est pour moi une réponse au défi que la société m’adresse. Je pense que cette réponse a des chances d’arriver jusqu’aux gens et de leur parler du monde où nous vivons et de ses excrescences  (lire: formes de manifestation) malignes qui doivent être saisies et extirpées. En dernière instance, le théâtre est pour moi un exorcisme.

L’auteur de théâtre vit de nos jours un paradoxe – il écrit des pièces qui n’arrivent pas sur la scène. Comment vous accomodez-vous à cette situation?

Parce que je suis éditeur, je sait très bien les dimensions de la masse de mauvaise littérature qui circule dans le monde éditorial et je pense qu’il y en a également dans le monde du théâtre. Parmi ces tonnes de papier écrit, il y a aussi des valeurs lesquelles, hélas, se perdent souvent dans ces conditions.

Si le théâtre revenait à la force de la parole, sans essayer à concurrencer par l’image la cinématographie et la télévision, les salles seraient de nouveau remplies. De même, si les directeurs de théâtre et les secrétaires littéraires avaient le courage de proposer pour la scène les écrits des dramaturges contemporains, on ferait un pas de plus vers les spectateurs. Je pense que nous ne pouvons pas vivre de manière permanente dans une culture d’importation, que nous ne pouvons pas entendre sur la scène seulement des mots traduits d’autres langues et exprimant des réalités qui ne se retrouvent pas chez nous.

Vous faites partie des auteurs dramatiques roumains dont les écrits ont été remarqués et ont reçu un prix. Qu’est-ce que ces prix ont signifié pour vous, changent-ils, en général, le destin d’un dramaturge?

J’en ai eu besoin parce que j’essaie d’être sincère, en premier lieu avec moi-même et ensuite avec les autres. Pour cette raison, j’avais besoin de la confirmation d’un mécanisme de sélection et d’un jugement froid, impartiel. Assis dans la chaise de l’éditeur, je sais combien il est facile de mélanger les choses, quels immenses pièges existent pour un écrivain ou un homme qui veut devenir un écrivain. L’étape d’acquisition de cette assurance est finie. C’était le seul but qui m’a fait envoyer les pièces au concours. Une fois atteint ce but, je continue à m’occuper de mes affaires.

Comment réagissez-vous dans votre qualité d’éditeur devant la proposition de publier un volume de théâtre? Est-il rentable le livre de théâtre en Roumanie?

D’un point de vue de la vente, il n’est pas rentable avec certitude. Plus encore, je peux vous dire que tout genre de livre a commencé à ne plus être rentable.Mais une maison d’édition n’est pas seulement une fabrique de „détergents spirituels” ou de „confections culturelles”, mais aussi une institution qui doit imposer certaines choses sur le marché, s’assumer un certain programme éditorial qui n’a pas toujours un rapport avec la finalité économique.

Vous n’avez pas été tenté, en tant qu’éditeur, de publier vos propres pièces qui ne peuvent pas autrement arriver aux lecteurs et même aux metteurs en scène qui pourraient en être intéressés ?

J’ai la lucidité et, en même temps, l’honnêteté de ne pas me transformer dans un homme-orchestre. Je me suis donc proposé de me situer sur la position de l’auteur et d’attendre un éditeur. Lequel, heureusement, est arrivé. J‘ai une proposition de la part des éditions Unitext qui désirent me publier un volume et j’espère que celui-ci arrive dans un mois, un mois et demi sur le marché. Y seront incluses les pièces Fantoma de la clasa întâi (Le Revenant de la première classe), nominalisée l’année passée à l’UNITER, Lume, lume, soro lume… (Beurré comme le p’tit lou …), nominalisée cette année, et Ca zăpada şi cei doi (Comme la neige et les deux autres), qui a reçu un prix de la part du Ministère de la Culture, le volume devant avoir pour titre le sous-titre de la première pièce, Dacă aş fi un înger (Si j’étais un ange). Je peu  dire que c’est un théâtre très direct, inspiré de la réalité. Je regarde autour de moi, je vois ce que je vois, l’alchimie se produit et apparaissent des situations de vie, dans lesquelles les hommes peuvent se reconnaître. (Cristina Modreanu, Adevărul, du 27 mars, 2000)


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