VALENTIN NICOLAU NE RELIT JAMAIS SES PIÈCES

Categorie: Entretiens
« Precedente

Après que la première du spectacle Legenda ultimului împărat (La légende du dernier empereur) a eu lieu au Théâtre National, j’ai pensé que c’était bien le cas de poser quelques demandes au dramaturge Valentin Nicolau. J’y ai réussi et voilà ce qu’il m’a répondu.

Le pouvoir et ses aspects vous fascinent. Vous êtes, si vous me permettez de faire ce rapprochement, comme le photographe de Ultimul împărat (Le dernier empereur) :  vous voyez le monde à travers votre appareil à photographier les instants. Il vous est jamais arriver à être empêché de montrer les « images » que vous avez immortalisées ?

On nous met des embûches à chaque pas. Ce qui est déplaisant c’est quand on heurte nous-mêmes quelque chose et, sans le vouloir ou sans l’accepter, nous rendons coupables les autres. Le problème est de savoir ce que nous comprenons de tout ce que nous voyons pendant notre vie. Quelle sorte de témoins sommes-nous et comment devons-nous traiter notre fascination. La fascination peut produire la clairvoyance, mais elle peut également aveugler.

Ultimul împărat (Le dernier empereur) semble, dans une bonne mesure, compléter la biographie du personnage ionescien de la pièce Regele moare (Le roi se meurt). Le rapprochement avec Ionesco est aléatoire ou il a été voulu ? Vous vous considérer un descendant de Ionesco, quelqu’un qui continue la tradition du théâtre de l’absurde ?

Je ne me suis jamais construit des descendances, aussi grands soient les maîtres que j’admire. Si on peut faire des liaisons, elles ont une raison naturelle. Une sorte de géologie des générations. Je peux avoir le sentiment d’appartenir à une succession, à un certain type de continuité, mais plus que ca il me semble difficile et d’ailleurs je pense qu’il n’est pas de mon devoir d’en faire une théorie.

Si vous deviez vous détacher de vos pièces et si vous deviez les lire d’un œil critique, quelle serait votre première remarque ?

Je ne relis pas mes pièces. Ce serait comme si je revenais à une ancienne histoire d’amour, je l’ai vécue jadis, elle a été merveilleuse ou tourmentée, mais je ne veux plus revoir le visage de la femme. Peut être aujourd’hui je ne la reconnaîtrai pas. Je préfère tomber de nouveau amoureux, d’une autre femme, vivre une nouvelle histoire. Et il y a encore une chose : comme je n’arrive pas à travailler dur sur le texte, la fin de la pièce est comme une libération.

On parle depuis longtemps d’une crise de la dramaturgie originale. On parle beaucoup de ce qu’on devrait faire pour ressusciter ce domaine. Quelle est votre opinion sur cette situation ? Quel traitement devrait être appliqué pour guérir ce « patient » ?

La chance de vie d’un texte dramatique signifie la chance de devenir spectacle. Il n’y a rien de compliqué, d’autant plus que je suis convaincu que le public attend des personnages et des histoires roumaines. Les metteurs en scène et les directeurs des théâtres qui vont miser sur les dramaturges roumains seront surpris de voir les salles de théâtre remplies. En fin de compte, c’est un problème de lucidité et de courage assumé. (Gabriel Simon, Cotidianul, du 21 octobre, 2002).


« Precedente